COMPTABILITÉ NATIONALE

COMPTABILITÉ NATIONALE
COMPTABILITÉ NATIONALE

De nos jours, en conséquence du progrès technique et de la division du travail toujours plus poussée qui en résulte, toutes les unités économiques deviennent solidaires les unes des autres. Les consommateurs, dont les besoins se sont multipliés et diversifiés, dépendent d’un nombre croissant de producteurs spécialisés. Les producteurs eux-mêmes ont des relations plus denses et plus complexes avec leurs clients et leurs fournisseurs. Ils utilisent une proportion toujours croissante de biens durables de production dont la fabrication exige beaucoup de temps et qui immobilisent des capitaux considérables. Une grande partie de ces biens durables sert à créer d’autres moyens de production. La chaîne des productions intermédiaires, qui sépare l’extraction de la matière première de la fabrication du produit final livré au consommateur, s’allonge constamment. Les décisions d’investissement doivent donc tenir compte de données qui sont en moyenne de plus en plus indirectes, éloignées dans le temps et soumises à l’action de facteurs extérieurs à l’unité qui en prend la responsabilité. La dépendance de celle-ci par rapport au milieu où elle fonctionne s’en trouve renforcée.

Cette intégration de toutes les unités économiques, jadis quasi indépendantes, dans un complexe solidaire s’accompagne d’une extension continue des échanges qui font appel à la monnaie et au crédit, éliminant peu à peu les derniers vestiges d’échanges en nature. De ce fait, une proportion toujours croissante des phénomènes économiques subit l’estimation objective du marché et reçoit, sous la forme du prix, la marque d’une valeur susceptible de comparaisons, d’additions et d’autres opérations quantitatives.

Tandis que l’interdépendance croissante des phénomènes économiques conduit à concevoir des instruments d’analyse permettant d’étudier chaque phénomène dans l’ensemble dont il fait partie, l’extension des opérations monétaires permet de donner aux phénomènes ainsi étudiés une expression quantitative, sans laquelle la représentation synthétique des liaisons d’interdépendance serait impossible.

La comptabilité nationale est un instrument d’analyse destiné à répondre à ces deux aspects de l’évolution économique moderne. Elle est l’expression synthétique et quantitative du réseau des relations existant entre les unités économiques d’une nation et entre cette nation et le reste du monde. Elle se sert à cet effet d’un ensemble de comptes articulés selon les principes de la comptabilité à parties doubles.

1. Origine et évolution de la comptabilité nationale

Le terme «comptabilité nationale» ne date que de la Seconde Guerre mondiale. Le premier nom de la méthode d’analyse qu’il désigne aujourd’hui fut celui d’«arithmétique politique» qui semble avoir été employé pour la première fois par William Petty dans ses Essays on Political Arithmetick écrits vers 1671 et publiés à Londres en 1690. Mais c’est dans les travaux de Gregory King (National and Political Observations and Conclusions upon the State and Condition of England , Londres, 1696) que l’on trouve une première application de la comptabilité à parties doubles au niveau de la nation. Le Tableau économique de Quesnay (1758) peut également être considéré comme un schéma extrêmement simplifié de comptes articulés. Dans son ouvrage inachevé De la richesse territoriale du royaume de France (1791), Lavoisier n’utilise pas les formes rigoureuses d’une comptabilité, mais prévoit explicitement la possibilité d’établir «un compte général de toutes les provinces du royaume» qui «jouerait» avec les comptes, en nature et en argent, des secteurs particuliers.

À partir du début du XIXe siècle cependant, les recherches de comptabilité nationale se restreignent presque exclusivement à des évaluations du revenu et de la richesse des nations, et le nom même d’arithmétique politique, qui portait en soi des ambitions plus vastes, tombe en désuétude. Ce n’est que vers 1930, sous l’influence de la dépression mondiale, qui mit en évidence l’inéluctable interdépendance économique des nations et des hommes et qui orienta les recherches vers l’étude des quantités globales, que les travaux sur le revenu national furent de nouveau, surtout dans les pays anglo-saxons, en Suède, aux Pays-Bas et en Allemagne, intégrés dans des systèmes de comptes de plus en plus complets et diversifiés. Ce mouvement s’accentue pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment en Grande-Bretagne où, en 1941, paraît le premier livre blanc sur le revenu et la dépense de la nation, élaboré par Meade et Stone pour servir de guide à la politique financière du gouvernement. Aux Pays-Bas, dès 1938, Van Cleef et Derksen préconisent un système articulé de comptabilité nationale. Leurs travaux aboutissent en 1946 à la présentation du budget de l’État dans le cadre plus général d’un budget national, issu d’un système complet de comptes à parties doubles.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, presque tous les pays du monde créent des services spécialisés de comptabilité nationale, tandis que les institutions internationales, comme l’Organisation de coopération et de développement économiques (O.C.D.E.), l’Organisation des nations unies et le Fonds monétaire international (F.M.I.), s’efforcent d’uniformiser les définitions et les méthodes de présentation et d’évaluation employées dans les divers pays.

La France, qui, au XVIIIe et au XIXe siècle, partageait avec la Grande-Bretagne la première place dans le domaine des évaluations du revenu et de la richesse de la nation, donne à ses travaux modernes de comptabilité nationale un essor rapide dès 1945. Inspirés par les articles et les ouvrages de A. Vincent et lancés par l’Institut de la conjoncture, ils sont repris, en 1946, sur le plan théorique, par l’Institut de science économique appliquée et, sur le plan des évaluations concrètes, par le Commissariat général au plan. En 1950, un service spécial de comptabilité nationale, le Service des études économiques et financières, est créé au ministère des Finances. À partir de 1963, l’élaboration des comptes du passé est confiée à l’Institut national de la statistique et des études économiques, tandis que les projections à court terme (budgets économiques ) continuent à être établies par un service du ministère des Finances. Une collaboration étroite existe entre ces deux services et le Commissariat général au plan.

2. Classement des unités économiques

S’agissant de la comptabilité d’une nation, le premier soin est d’établir la distinction entre les unités économiques appartenant à la nation et celles qui, lui étant étrangères, seront classées dans le secteur «reste du monde».

Sont considérées comme sujets de la comptabilité nationale les «unités résidentes» qui sont définies comme «unités qui ont un centre d’intérêt sur le territoire économique de la France». Il y a, pour une unité, centre d’intérêt sur un territoire si elle y effectue des opérations économiques pendant un an ou plus. Le territoire économique de la France comprend l’Hexagone, Monaco inclus, et la Corse. À ce territoire sont ajoutées les enclaves françaises à l’étranger (ambassades et consulats de France, bases militaires et bases scientifiques). En sont exclues les parties du territoire national qui sont utilisées par les institutions publiques d’autres pays ou par des organisations internationales.

Les unités résidentes sont très nombreuses et ont des comportements très divers. Il est donc nécessaire de les regrouper en «secteurs institutionnels» auxquels il est possible d’attribuer un comportement économique suffisamment stable et uniforme. Ce comportement commun est défini par référence à deux critères: les opérations auxquelles se livrent à titre principal les unités composant le secteur et, subsidiairement, les ressources dont elles bénéficient. On aboutit ainsi à définir six secteurs institutionnels rassemblant toutes les unités résidentes:
1. Les sociétés et quasi-sociétés non financières , privées et publiques, dont la fonction principale est de produire des biens et des services marchands non financiers et dont les ressources principales proviennent de la vente de leur production.
2. Les institutions financières , qui collectent, gèrent, transforment et répartissent les disponibilités financières des autres unités institutionnelles.
3. Les entreprises d’assurances dont la fonction principale consiste à transformer les risques individuels en risques collectifs, et dont les ressources principales proviennent de primes contractuelles ou de cotisations sociales volontaires. Ce secteur ne comprend donc pas les organismes de sécurité sociale qui perçoivent des cotisations sociales obligatoires et qui, de ce fait, sont classés dans le secteur des administrations publiques.
4. Les administrations publiques qui produisent des services non marchands destinés à toutes les unités institutionnelles résidentes et exécutent des opérations de répartition du revenu et du patrimoine national. Leurs ressources principales se composent de versements obligatoires effectués par les autres secteurs.
5. Les administrations privées . Ce sont tous les organismes privés sans but lucratif dont la fonction principale est de produire des services non marchands et/ou marchands réservés aux ménages ou à des groupes de ménages. Leurs ressources principales sont formées de contributions volontaires des ménages, de revenus de la propriété, ou par le produit de la vente de services marchands. Leur domaine d’action comprend essentiellement les cultes, l’action politique (partis), la défense des intérêts des différentes catégories sociales (syndicats, organisations de consommateurs, etc.), les loisirs et la culture, l’entraide et la bienfaisance, la santé, etc.
6. Les ménages (y compris les entreprises individuelles). Ce secteur regroupe l’ensemble des personnes physiques résidentes dont la fonction principale est la consommation finale et, s’il y a lieu, la production organisée dans le cadre d’entreprises individuelles. Ses ressources principales se composent de la rémunération des facteurs de production, des transferts versés par les autres secteurs et du produit de la vente de biens et services marchands par les entrepreneurs individuels. La réunion dans un même secteur des consommations et des productions individuelles est extrêmement gênante, puisqu’elle rend impossible une analyse précise de l’évolution des entreprises individuelles. Cependant, la confusion entre l’activité d’une entreprise individuelle et celle de son propriétaire reflète une situation de fait qu’il serait vain de dissimuler derrière des conventions comptables.

La distinction de ces six secteurs institutionnels est loin de suffire à tous les besoins d’information. On procède donc fréquemment à leur subdivision en un nombre plus ou moins grand de sous-secteurs. Ainsi, en France, le secteur des sociétés et quasi-sociétés non financières est subdivisé en grandes entreprises nationales et autres sociétés et quasi-sociétés; parmi les institutions financières, on distingue les institutions de crédit bancaire et assimilées et les institutions non bancaires; les entreprises d’assurances se répartissent entre organismes d’assurances et de capitalisation et sociétés mutualistes; les administrations publiques comportent: l’État, les organes divers d’administration centrale, les administrations publiques locales, les organismes de sécurité sociale.

Le secteur reste du monde n’est qu’un compte de tiers dans un système de comptes dont le sujet est composé d’unités résidentes. Il ne reflète donc que les opérations effectuées par des pays étrangers avec la nation. Du point de vue de celle-ci, il peut cependant être intéressant de distinguer, parmi ces pays, ceux avec lesquels la nation entretient des relations particulières. Dans les comptes français, le reste du monde est divisé en: «départements et territoires d’outre-mer», «zone franc», «pays de la C.E.E. et institutions communautaires européennes» et «étranger hors C.E.E.».

3. Classement des opérations

Les opérations accomplies par les agents économiques peuvent être classées, suivant leur objet, en quatre catégories: les opérations portant sur les biens et les services; les opérations concernant la répartition primaire des revenus engendrés par la production; les opérations de transfert qui réalisent la répartition secondaire des revenus produits; les opérations financières portant sur les créances et les dettes.

Parmi les opérations portant sur les biens et services, on distingue la production, la consommation et la formation brute de capital fixe, les variations de stocks, les importations et les exportations.

Les revenus produits comprennent la rémunération des salariés et le revenu brut de la propriété et de l’entreprise.

Les transferts sont composés d’impôts et de subventions, de cotisations et de prestations sociales et de dons de toutes sortes. Y entrent aussi les intérêts des emprunts utilisés au financement des dépenses de consommation, puisqu’ils ne correspondent pas à des services rendus par des capitaux fixes.

Les opérations financières comprennent: les prêts (à court, moyen et long termes) consentis pendant l’exercice et les recouvrements des prêts antérieurs, les emprunts (à court, moyen et long termes) reçus pendant la période et les remboursements antérieurs, les acquisitions (placements) et les cessions (émissions) de créances sur des débiteurs tiers.

Chacune de ces catégories d’opérations peut faire l’objet de très nombreuses subdivisions, dont la précision est fonction des besoins d’information que l’on cherche à satisfaire.

Les opérations d’un même type qui mettent en relation deux secteurs pendant une période déterminée, généralement annuelle, portent le nom de flux . Ainsi, les salaires versés pendant une année donnée par les entreprises à leurs employés nationaux forment un flux reliant le secteur des entreprises au secteur des ménages. La plupart des opérations économiques consistant en un échange de biens et services contre de la monnaie, les flux qui les groupent ont un contenu double: un contenu réel de biens et services, qui se déplace du vendeur à l’acheteur, et un contenu monétaire , dont le sens est inverse. Le sens de ces flux, dits bilatéraux , est déterminé conventionnellement par celui dans lequel circule leur contenu monétaire. Le sens des transferts, ou flux monétaires unilatéraux , qui n’ont pas de contrepartie réelle, est celui qui conduit du payeur au payé.

4. Les comptes

Comptes de patrimoine et comptes de gestion

Chaque secteur est doté d’un ensemble de comptes articulés avec les comptes des autres secteurs nationaux et les comptes du reste du monde.

Conformément au principe de la comptabilité à parties doubles, on devrait pouvoir distinguer d’une part des comptes de patrimoine , destinés à mettre en évidence la valeur nette et la structure du patrimoine de chaque secteur au début et à la fin de chaque exercice comptable, et d’autre part des comptes de gestion dont la mission est d’expliquer les modifications intervenues pendant l’exercice dans chaque composante du patrimoine. En fait, les comptabilités nationales qui comportent des comptes patrimoniaux sont encore tout à fait exceptionnelles. Dans la très grande majorité des cas, les comptes de patrimoine sont remplacés par des comptes de modification du patrimoine qui portent généralement le nom de comptes de capital et se bornent à enregistrer les changements intervenus pendant l’exercice dans le montant et la composition du patrimoine, sans indiquer la valeur absolue des actifs et des passifs que ces changements affectent. Cette importante lacune s’explique par les difficultés considérables d’ordre théorique et pratique auxquelles se heurte l’évaluation du patrimoine national et de ses composantes.

Néanmoins, les comptables nationaux s’efforcent de surmonter ces difficultés et déjà certains pays, dont les Pays-Bas, la Norvège et les États-Unis, procèdent à l’établissement de véritables bilans nationaux.

En France, les premiers comptes de patrimoine ont été publiés en septembre 1980. Ils portaient sur les années 1971, 1972 et 1976.

À côté des comptes de gestion annuels, certains pays, dont la France, publient des comptes trimestriels. Fondés sur l’observation des indicateurs conjoncturels rapides et par conséquent souvent incomplets, ces comptes n’ont pas la précision des comptes annuels. Ils sont cependant très utiles pour suivre les fluctuations de la conjoncture économique.

Structure et fonctions

La structure des comptes de gestion est généralement conçue de façon à mettre en évidence les principales fonctions économiques auxquelles participe le secteur. La fonction de production est décrite par un compte de production dont le solde donne la valeur ajoutée brute , obtenue en faisant la différence entre la valeur totale des biens produits et la valeur des biens consommés dans le processus productif. Le compte d’exploitation montre la répartition de la valeur ajoutée brute (augmentée des subventions d’exploitation reçues) entre la rémunération des salariés, les impôts liés à la production et l’excédent brut d’exploitation du secteur. Le compte de revenu décrit la redistribution que subissent les revenus bruts engendrés par la production sous l’action de transferts courants tels que les impôts directs, les cotisations et les prestations sociales, les secours et dons de tout genre. Son solde est le revenu disponible brut . Le compte d’utilisation du revenu met en évidence la consommation finale du secteur. Il est soldé par l’épargne brute . Le compte de capital présente le financement de la formation intérieure de capital du secteur (achats de biens d’équipement, de terrains, variation des stocks) à partir de son épargne brute et compte tenu des transferts en capital . Il dégage en solde une capacité de financement , s’il est positif, ou un besoin de financement , dans le cas contraire. Enfin, un compte financier retrace le mouvement des créances et des dettes par lequel se réalise l’affectation des capacités de financement des secteurs excédentaires aux besoins de financement des secteurs déficitaires. Le solde des créances et dettes auquel il aboutit devrait en principe être égal à la capacité (ou au besoin) de financement du secteur, mais les erreurs ou omissions statistiques commises dans l’évaluation de certains postes nécessitent un ajustement dont la valeur figure au bas du compte.

En tant que tiers, le reste du monde ne participe pas à toutes les fonctions économiques de la nation. Il n’est donc doté que de deux comptes: un compte non financier, soldé par la capacité ou le besoin de financement, et un compte financier qui indique le solde de ses créances et dettes envers la nation.

Le principe de conservation des flux

Conformément au principe des parties doubles, toute opération inscrite au débit d’un compte possède une contrepartie au crédit du même compte ou d’un autre, du même secteur ou d’un autre et vice versa. La somme totale des débits et des crédits est donc nécessairement égale. Cela résulte tout simplement du fait qu’un flux d’opérations a nécessairement une origine (débit) et une destination (crédit). Une comptabilité nationale peut donc toujours être représentée par un réseau fermé de flux, circulant entre des pôles dont le nombre est égal au nombre des comptes. La somme des flux entrant dans un secteur ou un compte est toujours égale à la somme des flux qui en sortent. C’est ce qu’on appelle le «principe de conservation des flux».

5. Consolidation des comptes et agrégats

En additionnant, compte par compte et poste par poste, le débit et le crédit des comptes des secteurs nationaux, on obtient les comptes consolidés de la nation. Les soldes de ces comptes permettent de calculer un certain nombre de grands agrégats qui jouent un rôle important dans la théorie et la politique économiques. Ainsi, la somme des valeurs ajoutées brutes, plus la T.V.A. et les droits de douane sur les produits importés et moins les services bancaires, donne le produit intérieur brut qui représente en même temps la valeur totale des utilisations finales (consommation finale, formation brute de capital fixe, variation de stocks, exportations) des biens produits sur le territoire national. D’autres agrégats fort utiles, comme le produit intérieur net , le revenu national aux prix du marché , le revenu national des facteurs , le revenu disponible brut , etc., peuvent être facilement obtenus par des opérations d’addition ou de soustraction de flux. Ainsi, on passe du produit intérieur brut au revenu national des facteurs en ajoutant au premier les revenus produits nets des résidents en provenance du reste du monde et en soustrayant de celui-ci la consommation de capital , c’est-à-dire l’usure et l’obsolescence des équipements utilisés dans la production.

Chacun des agrégats a une signification économique bien précise. Ainsi, le produit intérieur brut, envisagé en tant que somme des valeurs ajoutées, mesure l’activité intérieure brute de toutes les unités se trouvant sur le territoire national. Envisagé en tant que somme de produits finals, il représente la masse de biens et services produits sur le territoire national. Le revenu national des facteurs exprime le résultat net de l’activité productive totale des résidents à l’intérieur et à l’extérieur du territoire national. Il est égal à la somme des revenus produits de toutes les unités résidentes.

6. Les tableaux complémentaires

En plus des comptes proprement dits, la comptabilité nationale comporte un grand nombre de tableaux qui servent d’instruments pour l’analyse de certains aspects bien déterminés de l’activité économique. Les plus importants sont les tableaux «entrées-sorties». Inspirés des travaux de l’économiste américain Wassili Leontief (1936), ces tableaux fournissent le détail par branche et par produit des échanges de biens et services à l’intérieur de l’économie et avec le reste du monde. Ils permettent de dégager les coefficients technico-économiques qui indiquent les consommations intermédiaires par unité de production de chaque branche d’activité. On peut calculer ainsi la production globale des différentes branches nécessaire pour répondre à une demande finale d’un montant et d’une structure donnés.

Les tableaux «entrées-sorties» français les plus récents sont établis aux prix courants, aux prix de l’année précédente et aux prix de 1980.

7. Les comptes périphériques

Les comptes du cadre central et les tableaux complémentaires portent sur des grandeurs macro-économiques agrégées au niveau national. Ils ne se prêtent donc pas à des études précises centrées sur des aspects particuliers de l’activité économique. Les comptes périphériques ont pour but de combler graduellement cette lacune tout en sauvegardant la cohérence de l’ensemble qui constitue l’avantage essentiel de la comptabilité nationale. On peut distinguer trois sortes de comptes périphériques: les systèmes intermédiaires, les comptes satellites et les comptes régionaux. Les premiers sont des comptes consolidés des groupes d’unités élémentaires respectant un même cadre comptable à l’intérieur des secteurs et des sous-secteurs institutionnels. Ils se situent donc à un niveau d’agrégation intermédiaire entre celui d’un secteur et celui des unités particulières qui le composent. Ils respectent les conventions comptables propres à ces unités, de façon à pouvoir être interprétés aussi bien par les membres de la profession en question que par les comptables nationaux. En France, quatre systèmes intermédiaires sont prévus: entreprises, assurances, institutions de crédit, collectivités locales.

Les comptes satellites rassemblent l’information sur l’ensemble des activités appartenant à un domaine particulier de préoccupation économique ou social. Ainsi, en France, sont publiés régulièrement, ou en cours de création, les comptes de l’agriculture, des transports et du commerce, du logement, de la santé, de la recherche, de l’éducation et de la protection sociale. Les renseignements que contiennent ces comptes sont exprimés en termes monétaires et non monétaires. Ils sont synthétisés en quelques grandeurs homogènes par rapport au cadre central, avec lequel ils communiquent notamment par la participation des activités respectives à la dépense nationale.

Enfin, les comptes régionaux et interrégionaux doivent en principe apporter une solution rationnelle au problème de la localisation des activités économiques dans le cadre du territoire national. Leur établissement se heurte à des difficultés considérables d’information. C’est ce qui explique leur imprécision et la lenteur relative de leur développement en France et à l’étranger.

8. Applications

Un instrument de prévision

La comptabilité nationale constitue le meilleur instrument qui ait été imaginé jusqu’ici pour représenter synthétiquement et quantitativement la circulation de valeurs entre un grand nombre d’agents interdépendants. Elle présente chaque phénomène économique comme faisant partie d’un ensemble plus vaste dont elle décrit le fonctionnement. Elle permet de suivre les conséquences des opérations effectuées par tout agent économique à travers cet ensemble et de constater à intervalles de temps annuels, ou même trimestriels, les changements intervenus dans la situation relative des différents agents, dans l’évolution du patrimoine national et de ses composantes ou dans le montant des agrégats représentant les différents aspects de l’activité économique.

Appliquée à la théorie économique, la comptabilité nationale oblige les économistes à préciser les définitions et le contenu concret des notions théoriques qui font l’objet de leurs raisonnements. Elle apporte aux constructeurs de modèles macro-économiques un ensemble de définitions et de relations comptables absolument rigoureuses qui se prêtent à des divisions et des adaptations quasi infinies. Elle leur fournit aussi des séries de plus en plus longues de statistiques suffisamment homogènes et cohérentes pour servir au calcul de paramètres des relations extra-comptables dont on a besoin pour compléter le modèle.

Ces qualités font de la comptabilité nationale un instrument privilégié de l’histoire, de la prévision, de la politique et de la planification économiques.

L’histoire économique se sert de la comptabilité nationale pour donner une expression quantitative, cohérente et objective aux recherches portant sur le passé. Dans de nombreux pays, des équipes spécialisées d’«histoire quantitative» s’efforcent de faire remonter les séries de comptabilité nationale aussi loin que possible dans le passé. En France et en Grande-Bretagne, on a pu remonter jusqu’à la fin du XVIIe siècle.

Une prévision conditionnelle

L’application de la comptabilité nationale à la prévision économique permet de mettre en évidence les variables dites exogènes qui exercent une influence décisive sur l’évolution du pays. Certaines de ces variables sont prévisibles à court ou moyen terme (par exemple certaines variables démographiques), d’autres dépendent des décisions de l’État, d’autres enfin sont entièrement imprévisibles (cataclysmes naturels, événements politiques, comportement des pays étrangers). En établissant des hypothèses sur l’évolution possible des variables imprévisibles et en supposant dans un premier temps l’absence de réaction de la part de l’État, on obtient, grâce aux relations dégagées par la comptabilité nationale, les valeurs correspondantes des variables économiques endogènes caractéristiques de la situation future de l’économie. Il s’agit donc en réalité d’une prévision conditionnelle dont la réalisation dépend de celle des hypothèses portant sur l’évolution des variables imprévisibles. Si imparfaite qu’elle soit, une telle prévision vaut mieux que l’absence totale de prévision ou que des prévisions fondées sur l’observation fragmentaire des phénomènes économiques. Elle permet d’encadrer approximativement le champ de l’évolution possible, en éliminant d’emblée les prévisions incohérentes et impossibles. Ce faisant, elle facilite la préparation des décisions de politique économique et de planification.

En effet, la connaissance du champ de l’évolution possible permet de choisir, à l’intérieur de ce champ, les régions les plus favorables, ou les moins défavorables, et de calculer les valeurs correspondantes des variables stratégiques. La planification, qui n’est qu’une forme plus précise de politique économique, ne procède pas autrement. Elle choisit à l’intérieur du champ de l’évolution possible, explorée grâce au concours de la comptabilité nationale, un ensemble d’objectifs de nature à maximiser les préférences du souverain économique, sous contrainte des ressources disponibles, et elle calcule la valeur qu’il faudrait donner aux variables stratégiques pour obtenir la réalisation de ces objectifs.

Lors de l’exécution d’une politique économique ou d’un plan, le rôle de la comptabilité nationale consiste à enregistrer les mouvements des variables choisies comme objectifs, à expliquer les écarts qu’elles prennent par rapport aux prévisions, et à indiquer les moyens d’action possibles pour réduire ces écarts. Dans les cas où la réduction d’un écart se révèle difficile ou trop coûteuse, les objectifs doivent être révisés, et, là encore, la comptabilité nationale intervient dans le calcul des nouveaux objectifs et des nouveaux moyens de les obtenir.

Comptabilité nationale branche spécialisée de la science économique, qui, dans le cadre de la nation, recense les flux des biens les plus importants, la provenance et la répartition des revenus, leur redistribution, les investissements et les sources de financement qui les assurent.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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